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Titre: | FORMATION DES ENSEIGNANTS DE F.L.E DU PRIMAIRE EN ALGERIE « RETOURS REFLEXIFS SUR LA FORMATION ET PROFESSIONNALISATION » |
Auteur(s): | BOUTEFLIKA, Yamina |
Date de publication: | 2010 |
Editeur: | Université Oran 2 Mohamed Ben Ahmed |
Résumé: | Donner une meilleure formation aux maîtres est une chose, en maintenir la qualité en est une autre. D’abord faut-il savoir ce qu’est une bonne formation. En Algérie, les programmes des années 60 et 70 étaient sans doute bien adaptés au système éducatif de l’époque. La politique d’éducation avait alors pour objectif la croissance quantitative : former le plus d’algériens possibles pour répondre aux besoins du secteur de l’éducation. Aujourd’hui la formation des enseignants se fait dans et pour une société différente de celle des années 60 : Les enjeux ne sont plus les mêmes, les perspectives non plus. Notre étude a révélé, par exemple, que les besoins de l’apprenant ne sont plus les mêmes, ceux de l’enseignant non plus. Avec l’avance technologique dans toutes les sphères de la vie, ni l’école, ni l’université ne peuvent rester à l’écart : L’apprenant a accès aux renseignements qui ne lui auraient jamais été disponibles il y a quelques années. Nous savons que l’efficacité de l’action éducative dépend non seulement du niveau de qualification de l’enseignant, mais aussi de leur degré de motivation. Nous n’oublions pas toutefois, que la formation des enseignants n’est pas le seul facteur qui intervient dans l’efficacité de l’école. Nous ne voulons pas non plus laisser entendre que l’enseignant est seul responsable de la situation dans l’enseignement et qu’il peut tout changer grâce à une excellente formation. Dans le contexte des institutions, les futurs enseignants que nous avons rencontrés ont beaucoup d’attentes et des représentations par rapport à leur futur métier. S’agissant de l’enseignement du français, une partie de ces attentes est relative à la méthodologie de l’enseignement elle-même et non à ce qu’il y a à transmettre. Pour certains étudiants-maîtres, la préoccupation principale, d’après leurs discours (cf. Chapitre VII de ce travail) est leur manque de compétence à la fois linguistique et méthodologique. Il ne faut pas oublier qu’avant de devenir enseignant, on a été élève et c’est ce contact avec des « méthodologies » qui, selon Beacco (1992 :46), « déclenche la création de représentations sur les démarches d’enseignement réputées efficaces ». Le futur-maître lui, croit en ce qui est important, c’est ce qu’il a lui-même apprécié chez son professeur. Une maîtrise du français et une compétence en pratique de classe, sans tenir compte des autres conditions de travail qu’il faudra affronter. Ce qui est donc important, c’est pour les formateurs /enseignants de savoir que dans la formation initiale, on ne part pas de rien, mais de convictions premières souvent bien établies et légitimables qui constituent une « résistance » au changement. Avant de passer eux-mêmes devant la classe en tant 378 qu’enseignant, les futurs-maîtres ignorent par exemple, la pression qui accompagne l’enseignement d’une langue étrangère : Le fait qu’il y a un cadre temporel contraint dans lequel il faut travailler, des objectifs à atteindre qui ne sont pas toujours réalistes ou bien formulés, le manque de matériel pédagogique des apprenants peu ou pas motivés, etc. Nous avons eu l’occasion au cours de notre recherche de repenser et même de modifier certaines hypothèses qui nous étaient apparues acquises au départ, notamment en ce qui concerne l’importance de la formation aux pratiques de classe. Nous sommes d’accord avec De Landsheere (1993 :108), que la formation pédagogique ne consiste pas seulement à fournir aux jeunes gens un savoir et un ensemble de techniques. Elle doit aussi développer chez eux « certaines attitudes favorables à l’établissement de relations » qui sont des éléments essentiels de la situation éducative. Nous avons centré notre recherche sur l’enseignement en situation scolaire mais n’oublions pas que l’appropriation d’une langue étrangère peut s’effectuer en dehors des institutions éducatives. La langue est en elle-même un outil de communication et celui qui apprend à l’utiliser a besoin de savoir comment et quand, puisque les situations de communication évoluent, les besoins langagiers aussi. Lang (1987 :43) : « Le métier d’enseignant ne se réduit pas à la maîtrise de quelques compétences strictement définies : elles évoluent en fonction de choix et de besoins sociaux, et l’instruction n’est pas la somme de savoir-faire techniquement isolables et rigoureusement déterminés ». Nous ne nions pas le fait que sans une bonne formation initiale en pratiques de classe, les enseignants débutants auraient tendance à se réfugier, comme le disent Brassart et Reuter (1992 :23), « dans la sécurité des pratiques qu’ils ont vécues élèves ». Or, il y a plus dans l’enseignement que ce que nous avons vu faire les enseignants. Dans le cas de la L.E, d’autres facteurs interviennent, bien que les compétences linguistiques et méthodologiques soient nécessaires, un enseignant a besoin d’autres compétences. Il doit par exemple, non seulement savoir s’auto-évaluer, mais aussi savoir comment s’apprend une langue pour évaluer efficacement le progrès de l’apprenant, sans se fier à sa propre expérience en tant qu’élève. Dans une telle perspective, l’enseignant a besoin d’une formation pour la pratique et non d’une formation pratique, comme précisent Brassart et Reuter (op.Cit). D’après eux, faciliter l’appropriation d’une langue étrangère à des apprenants dans un contexte donné suppose plusieurs choses : 379 Que l’enseignant connaisse cette langue et culture qui en fait partie intégrante, dans ce qu’elle représente comme réalité différente par rapport aux autres langues et cultures, mais en particulier par rapport à la langue et culture maternelle des apprenants. Dans notre travail nous avons fait allusion à l’hétérogénéité des apprenants, la présence de langue arabe et d’une langue maternelle qui véhiculent une culture différente. Que l’enseignant connaisse l’apprenant non seulement en termes de besoins ou d’attentes, mais aussi en termes de bagage culturel, de démarches cognitives, de capacités linguistiques et métalinguistiques, de structures socio-affective et de capacités à décoder les discours pédagogiques. L’apprenant est loin d’être un cobaye sur lequel on expérimente : il a lui aussi quelque chose à apporter à son propre apprentissage s’il a l’occasion de le faire. La question que l’enseignant doit se poser est comment apprend-on ? Plutôt que comment mieux enseigner ? Que l’enseignant puisse analyser le contexte et se situer par rapport à ce contexte pour utiliser les contraintes qui interviennent sur les contenus à enseigner et sur les rapports entre les différents acteurs de l’interaction pédagogique. Les données de nos enquêtes ont révélé que ces éléments ne sont pas toujours pris en compte d’abord au cours de la formation, ensuite dans les pratiques d’enseignement. Nous retrouvons ici la question des objectifs de formation et d’enseignement qui ne sont pas toujours bien définis. Nous sommes amenées à poser la question des objectifs et de l’analyse des besoins par les institutions de formation elles-mêmes. selon Porcher (1992 :19), cela réduit les besoins des publics en formation « aux besoins qu’elles (institutions de formation), sont capables de satisfaire ». C’est une situation que nous connaissons bien : Les destinataires de la formation sont ainsi dépossédés de leur propre responsabilité de définir eux-mêmes les besoins qu’ils ont eu en formation. A Porcher (op.Cit) de préciser : « On a relégué la professionnalisation de la formation en éducation en réduisant le rôle même de l’enseignement qui est de préparer des compétences utilisables à l’extérieur de l’école ». Les besoins de tous les concernés (futurs enseignants, éventuels apprenants et la société en général) sont relégués au second plan. Le manque de prise de conscience des objectifs par l’enseignant au niveau de la formation, et plus tard de l’enseignement, a des effets sur l’enseignement/apprentissage. Si le futur enseignant n’est jamais amené à 380 s’interroger sur ce qu’il fait sur ses motivations au cours de la formation, il ne verra peut-être pas la nécessité d’une telle pratique dans les cours qu’il devra donner à l’avenir, d’où la ritualisation des cours. Les élèves et le maître se présentent donc dans la classe souvent parce qu’il faut qu’ils soient là, à ce moment précis (plutôt que dans un autre cours). Quand le cours est ennuyeux, les élèves jouent le jeu. Ils écoutent le maître, répondent à des questions, prennent des notes, et à la fin de la séance, ils s’en vont rejoindre un autre cours. Un enseignant qui n’a aucune réflexion sur ce qu’est enseigner une langue étrangère ne pourra pas être sensible à une attitude négative de la part de ses propres élèves. Or, les élèves comme le dit Pelpel (1996 :109), sont « attentifs aux caractéristiques des situations qu’ils vivent et particulièrement aux enseignants auxquels ils sont confrontés ». Nous savons que dans certains systèmes, des responsabilités en ce qui concerne l’enseignement/apprentissage sont accordées aux apprenants. Nous ne disons pas que c’est la meilleure façon de rendre les enseignants plus conscients de ce qu’ils font, mais les données de nos observations indiquent qu’il y a un manque de réflexion sur la question fondamentale de l’enseignement d’une langue étrangère. Très liée à cette dernière, il y a la question de motivation que nous abordons à deux niveaux : il y a d’abord la motivation de l’étudiant-maître qui est indispensable pour réussir la formation. Ensuite il y a la motivation des élèves débutant qui est influencée non seulement par la situation scolaire mais aussi par la situation en dehors de l’école, notamment dans la famille. On oublie que la classe de langue réunit des personnes à part entière : du côté des enseignants, mais aussi celui des apprenants. Si chaque enseignant a sa façon de jouer son rôle, les apprenants ont tous leurs façons de l’observer et d’évaluer ses gestes. Nous avons dans notre travail parlé de l’importance de l’évaluation continue des programmes de formation (cf. Chapitre VI) mais selon certains didacticiens parmi lesquels Berard et Mérino (1992 :72), avant de tracer un modèle de formation il faut se demander « ce que l’enseignant de langue est amené à faire dans sa classe et à préciser son rôle ». Autrement dit, un modèle de formation ne s’improvise pas : c’est la suite d’un projet concret répondant aux besoins précis. Ce que proposent Berard et Merino c’est de prévoir déjà le rôle que l’enseignant aura à jouer et de l’intégrer dans le processus de formation. Le champ didactique, selon Puren (1991 :39), est complexe en termes de pluralité, d’hétérogénéité, de variabilité et enfin d’interactivité. 381 Dans une situation d’apprentissage, un observateur ne peut pas sous-estimer la question de rapport : enseignant/élèves et élève/élève, mais aussi formateur/étudiants-maîtres. Il s’agit dans cette relation, d’un échange : dans le cas de la formation, il s’opère entre un ensemble de connaissances de la part de l’enseignant /formateur et l’expression de leurs attentes et de leurs expériences de la part des futurs-maîtres. Dans le cas de l’enseignement, cet échange devrait se dérouler de la même façon, responsabilisant en même temps les apprenants à l’égard de leurs propres apprentissages. Malheureusement, cela n’est pas toujours le cas, et nos enquêtes ont révélé une tendance à minimiser la place de l’apprenant (que ce soit dans le cas de l’étudiant-maître ou de l’élève). Nos enquêtes auprès des enseignants ont montré que les carences en formation initiale ne se limitent pas aux pratiques de classe : en effet, l’enseignant est tout simplement mal préparé pour affronter la tâche qui l’attend dans toutes ses dimensions. A cet égard, certains enseignants ont déploré le manque d’intérêt chez bon nombre de leurs élèves. A notre avis, les pratiques d’enseignement que nous avons abordées ne sont pas de nature à susciter cet intérêt chez les élèves. Puisque le programme de méthodologie ne traite pas la question de l’évaluation, la plupart ont recours au travail écrit parce qu’ils ignorent qu’il existe d’autres formes d’évaluation. Or, une connaissance de ces possibilités est très importante puisque c’est souvent au moment de l’évaluation que l’enseignant peut découvrir les difficultés des élèves. Bien entendu, certaines difficultés sont plus subtiles et ne peuvent être dévoilées que par un enseignant consciencieux. E n plus des difficultés des apprenants auxquelles nous avons fait allusion (cf. Chapitre VI), Castelloti et De Carlo ( 1995 :32), en signalant d’autres qui sont en relation avec les précédentes. Il s’agit par exemple des blocages psychologiques nés de la représentation que l’apprenant se fait de la langue à apprendre, le fait qu’il considère sa première langue comme « naturelle ». Pour cette raison, il essaie toujours d’approcher et d’aborder la nouvelle langue en la comparant à la L1. Certains sont dans une situation telle qu’ils sont incapables de dire ce qu’ils ont à dire et où ils ont peur de se ridiculiser. Ils ont du mal à accepter ce que Castelloti et De Carlo décrivent comme « le fossé entre la richesse des idées à exprimer et la pauvreté des moyens linguistiques » (op.Cit). Cela explique les silences et hésitations que nous avons nous-mêmes relevées chez les observés. En ce qui concerne la question de la communication en classe de langue, différents didacticiens et chercheurs à propos de ce sujet expriment des positions différentes. Selon 382 Beacco (1980 :37), pour que les pratiques communicatives puissent être véritablement mises en oeuvre dans la classe, le matériel didactique ou, dans un sens plus large la méthodologie, doivent se concevoir sur des analyses qui rendent compte de la réalité des interactions langagières sans en donner une image affaiblie. Quant à Besse (1980 :46), il met en garde contre ce que font la plupart des enseignants qui privilégient l’approche communicative. Selon lui, quand on cherche à recentrer l’apprentissage sur l’apprenant, on a tendance à s’occuper trop de ce qui lui manque et pas assez de ce à partir de quoi il apprend une langue étrangère. Ainsi, on néglige « les potentialités d’apprentissage…au profit des finalités qu’on prête à cet apprentissage ». On propose parfois à l’apprenant des tâches qui exigent des capacités qu’il ne possède pas, le privant ainsi des moyens de maîtriser son apprentissage et par conséquent, le place dans une totale dépendance à l’égard du maître. Au-delà de nos hypothèses de départ, nous avons relevé quelques points que nous considérons essentiels et qui méritent plus de réflexion (réflexion que nous mènerons dans des publications ultérieures). La formation professionnelle a comme devoir non seulement d’opérer une transformation chez le futur-maître mais de le préparer à affronter d’éventuelles exigences sur le terrain qui vont avoir un impact sur sa personnalité. Les enseignants ont leurs représentation sur ce qu’est enseigner et n’importe quelle tentative visant l’introduction de changements à ce niveau là doit tenir compte de ce fait. Ces représentations sont, comme toutes les représentations (voir par ex.Moscovici, (1996) et (1999), Abric, (1992) ou Jodelet, (1999), assumées individuellement mais formées et maintenues collectivement ; elles sont le fruit d’une culture, d’un héritage, d’un vivre-ensemble sur lesquels il faudra s’interroger. L’évaluation du dispositif de formation, bien que nécessaire, ne devrait pas être une fin en soi, mais devrait permettre au stagiaire de se situer par rapport à ses objectifs de départ. Pour exiger un certain comportement de la part de ses élèves, un enseignant doit savoir anticiper et même se préparer pour le stimuler, puisque le bon déroulement 383 du cours dépend dans une grande mesure de cette préparation et de la réaction escomptée. Nous proposons de clore notre recherche sur quelques questions qui, pour nous devraient susciter des réflexions de la part des éventuels lecteurs et en tout cas prolongeront la nôtre: 1- Au niveau de la formation, quels changements apporter aux programmes proposés pour répondre aux besoins que nous avons cernés chez les étudiants/maîtres, les enseignants et les élèves en classes de français ? quelle place donner à certaines pratiques que nous avons proposées dans notre travail, notamment l’observation de classe et l’utilisation de la vidéo comme outils d’observation ? 2- En ce qui concerne l’enseignement du français : compte tenu de sa place dans le paysage linguistique, vers quel but orienter son enseignement/apprentissage ? Tous facteurs confondus, ne faut il pas repenser les objectifs d’enseignement ? en ce qui concerne l’apprenant, comment apprendre à analyser ses besoins, compte tenu de leur complexité (d’abord faudrait-il définir ce qu’est un besoin langagier). 3- Compte tenu des diverses conditions qui se présentent sur le terrain, comment venir en aide aux enseignants ? Comment les aider à mieux s’adapter aux changements dans le domaine de l’éducation ? Comment peut-on mettre à profit les compétences de l’enseignant pour orienter son enseignement ? Comment est- ce qu’on peut développer l’autonomie créative de l’enseignant en l’exerçant à se donner des objectifs spécifiques à chaque étape de sa démarche pédagogique ? Quel aspect donner aux stages de formation continue en Algérie ? Qui impliquer dans cette formation pour la rendre pratique et rentable ? Cristin (op.cit) pose d’autres questions que nous trouvons également pertinentes pour notre propos, parmi les quelles : Peut-on (a-t-on le droit) de s’inspirer des démarches, réflexions, recherches venues d’ailleurs ? Cela veut dire dans notre cas essentiellement de ce qui est préconisé pour l’enseignement du FLE en France ou dans les pays francophones. Il ne peut semble-t-il rien y avoir de valide qui ne soit réapproprié activement à l’aune de notre culture. Nous aimerions voir continuer l’étude sur cette situation à travers un corpus peut-être plus étendu, des enquêtes à la fois orales et écrites auprès des personnes concernées pour permettre des réactions plus spontanées et variées. 384 Il est vrai que la classe de langue fournit des conditions idéales pour la recherche dans le domaine de la didactique, mais nous n’oublions pas que ce domaine est en lui-même plus vaste qu’il n y parait. Une bonne focalisation au niveau des objectifs pourrait permettre de pousser la recherche plus loin. |
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